La vente en nue-propriété connaît un essor fulgurant depuis quelques années en France. Cousine de la vente en viager, la vente en nue-propriété permet au vendeur de vendre son bien tout en restant vivre chez lui après la vente et pour toute sa vie. A la différence du viager, le vendeur reçoit l’intégralité du prix de vente le jour de la signature de l’acte de vente. Il ne reçoit donc pas de rente viagère.
Son succès récent est-il justifié ? Quels sont les avantages de la vente en nue-propriété par rapport à une vente en viager immobilier ? Qui a intérêt à vendre en nue-propriété plutôt qu’en viager avec rente ? Et qui sont les acquéreurs en nue-propriété ?
La vente en nue-propriété est une transaction immobilière d’un bien démembré. D’un côté l’usufruitier conserve l’usage et la possibilité de louer le bien. De l’autre le nu-propriétaire peut disposer du bien : le céder, le donner, le léguer.
Démembrer un bien immobilier revient à décomposer la pleine propriété en deux droits distincts :
Le démembrement peut être :
L’usufruit permet de faire usage du bien et de le mettre en location alors que le Droit d’Usage et d’Habitation DUH permet seulement de faire usage du bien personnellement sans pouvoir le mettre en location.
Même s’il est plus courant de conserver le Droit d’Usage et d'Habitation et non pas l’usufruit, les deux situation se rencontrent dans une vente en nue-propriété. On appellera viager sans rente la vente avec conservation de DUH viager et vente en nue-propriété la vente avec conservation d’usufruit.
Ceci dit, par abus de langage et malgré les différences, on appelle “usufruitier” celui qui conserve l’usufruit ou le DUH et on appelle “nu-propriétaire” celui qui conserve la nue-propriété ou la pleine propriété grevée du Droit d’Usage et d’Habitation DUH.
L’usufruit permet de mettre son bien en location alors que le Droit d’Usage et d’Habitation permet d’alléger ses charges, ses taxes et de recevoir une indemnité financière en cas de départ anticipé du logement et de vendre son bien plus facilement. Conserver un simple Droit d'Usage et d'Habitation (DUH) constitue une tranquillité d'esprit pour le vendeur qui n'a pas à se préoccuper de la gestion locative de son bien.
Voici un tableau des avantages de l’usufruit et du Droit d’Usage et d’Habitation :
Le prix varie selon le profil de l'acquéreur : un acquéreur particulier peut acheter plus cher la nue-propriété alors qu'un acquéreur institutionnel valorise mieux la vente en viager sans rente avec conservation d'un simple DUH.
Lors d'une vente en nue-propriété avec conservation d'usufruit le vendeur continue automatiquement de payer les charges, gros travaux et taxes, quelque soit l'acquéreur.
En revanche, lorsque le vendeur conserve un simple Droit d'Usage et d'Habitation, la répartition des charges diffère d'un acquéreur à l'autre et peut faire partie de la négociation.
Dans une vente avec conservation du DUH, l'usage veut que l'acquéreur particulier paie la taxe foncière et une partie des charges. Puisqu'il paie des charges dans une vente avec conservation de DUH et n'en paie pas dans une vente avec conservation d'usufruit (vente en nue-propriété), l'acquéreur particulier achète légèrement plus cher la nue-propriété.
A l'inverse, les acquéreurs institutionnels ne paient généralement pas les charges et taxes, que la vente soit avec conservation d'usufruit ou de DUH. Or dans une vente en nue-propriété, le vendeur conserve l'usufruit et détient donc la possibilité de mettre le bien en location. Le nu-propriétaire ne peut pas s’opposer à la location du logement, ni choisir le locataire. Au moment de récupérer la pleine propriété du bien, l’acquéreur pourrait donc se retrouver avec un locataire en place qu’il n’a pas choisi. Pour cette raison, une vente en viager ou en nue-propriété avec conservation d’usufruit intéressera beaucoup moins les acquéreurs qui ne souhaitent pas gérer un bail de location qu’ils n’ont pas choisi.
Et puisque la répartition des charges est la même avec les acquéreurs institutionnels entre une vente en nue-propriété et une vente avec conservation du DUH, ces acquéreurs auront tendance à proposer un prix plus faible pour la nue-propriété que pour le viager DUH.
L'enjeu est donc de trouver l'acquéreur qui pourra proposer le meilleur prix selon vos besoins.
La vente en nue-propriété peut avoir plusieurs sens. Dans notre cas, il s’agit de la vente d’un usufruit ou d’un Droit d’Usage et d’Habitation (DUH) sur un logement à titre viager, c’est-à-dire le temps de la vie de l’usufruitier. Ainsi on englobe sous le terme nue-propriété à la fois la vente en nue-propriété et le viager sans rente.
Les avantages de la vente en nue-propriété par rapport au viager :
La vente en nue-propriété annule deux risques de la vente en viager :
Avec une vente en nue-propriété, le vendeur reçoit l’intégralité du prix de la vente le jour de la signature de l’acte authentique chez le notaire. Alors qu’en viager, le vendeur reçoit une partie du prix le jour de la vente, le bouquet, et une autre partie sous forme de rente viagère. Ainsi, si le vendeur en viager décède prématurément, il n’a pas eu le temps de recevoir tout le prix de vente.
La vente en nue-propriété fait disparaître l’aléa financier de la vente en viager.
Par ailleurs, dans une vente en viager, le risque de non paiement de la rente viagère par l’acquéreur pèse sur le vendeur qui compte sur ces revenus pour vivre. Évidemment il existe des protections juridiques très fortes contre le défaut de paiement de la rente viagère :
La vente en nue-propriété fait tout simplement disparaître le risque de non paiement de la rente.
La vente en nue-propriété rentre dans le cadre de l’impôt sur le revenu pour la plus-value immobilière. Ainsi, la résidence principale est totalement exonérée et les autres cas d’exonérations sont les cas d’exonérations classiques de ventes immobilières.
Ce qui n’est pas le cas de la vente en viager puisque les rentes viagères sont imposables (après abattement) à l’impôt sur le revenu, même pour une résidence principale !
Vendre son logement en nue-propriété est donc plus intéressant fiscalement que de le vendre en viager, surtout pour les vendeurs qui disposent de revenus confortables par ailleurs.
Cela dépend du droit conservé par l’usufruitier :
Voici les 4 cas de figure possibles en cas de libération anticipée du bien :
Voici les situations où la vente en nue-propriété pourrait être plus pertinente qu’une vente en viager :
Oui mais mieux vaut vendre en nue-propriété pour éviter de faire une mauvaise affaire. La nue-propriété permettra au vendeur de toucher l’intégralité du prix de vente, à la différence du viager où il recevra une large part du prix de vente sous forme de rente viagère. La vente en nue-propriété permet de se protéger contre le risque de décès prématuré du vendeur.
Par ailleurs, la vente en nue-propriété permet d’optimiser sa transmission de patrimoine en échappant en partie aux impôts de succession. Le vendeur pourra réaliser :
Si le vendeur en viager a déjà des revenus confortables par ailleurs, la vente en nue-propriété sera plus appropriée. En effet la vente en viager crée un revenu supplémentaire, la rente viagère, qui est imposable à l’impôt sur le revenu. Alors que la vente en nue-propriété est exonérée d’impôt sur la plus-value immobilière.
Le vendeur pourra alors bénéficier du prix de vente de la nue-propriété pour :
Le viager et la vente en nue-propriété permettent d’utiliser l’argent immobilisé dans son appartement ou dans sa maison, tout en restant vivre dedans. Avec le prix de la vente vous pourrez :
Avec la vente en nue-propriété, vous récupérez la plus grande somme d’argent disponible alors qu’avec une vente en viager, vous obtenez seulement une partie comptant le jour de l’acte authentique (le bouquet) et le reste en rente viagère.
Pour les biens de prestige dont la valeur dépasse 1 million d’euros (un appartement spacieux à Paris, une maison de ville à Lyon ou encore une villa à Arcachon) la vente en nue-propriété est recommandée car :
En effet, passé un certain montant, 200 000€ de bouquet et 2 000 € de rente environ, le niveau de bouquet et de rente viagère devient dissuasif pour les acquéreurs. Les acquéreurs préféreront alors la vente en nue-propriété car ils pourront acheter le bien à crédit et ils connaîtront exactement le prix d’achat.
Par ailleurs, un nouveau type d'acquéreur a vu le jour depuis le milieu des années 2010 ; des fonds d’investissement sous forme de SCI qui achètent pour le compte de plusieurs investisseurs institutionnels (caisse de retraite, compagnies d’assurance, mutuelle). Or ces fonds viager achètent exclusivement en nue-propriété pour diversifier leurs investissements et ainsi diluer leur risque. Ces fonds d’investissement ont l’avantage d’acheter des biens sans limite de montant et dans des délais très courts (moins de 3 mois).
Aller plus loin : Quels sont les profils d'acquéreurs ?
Enfin, il existe de nombreuses options pour se créer un revenu supplémentaire à partir d’un capital important tout en maîtrisant la fiscalité, comme des rachats programmés d’assurance-vie, des parts de SCPI, l’investissement en groupement forestier, etc. Pour ces questions, il est opportun de se rapprocher d’un conseiller en gestion de patrimoine qui saura vous conseiller.
L’achat en nue-propriété présente 3 grands avantages par rapport à l’investissement en viager :
Oui, à la différence du viager avec rente, un achat en nue-propriété peut être financé par un crédit bancaire.
La raison est la suivante. Dans une vente en viager, l’acquéreur doit payer une rente tous les mois; c’est pour cela qu’on l’appelle le “débirentier”. Pour se garantir du bon paiement de la rente, le vendeur, qu’on appelle le “crédirentier”, détient une hypothèque de 1er rang sur le bien vendu, le Privilège du vendeur ou Hypothèque légale spéciale du vendeur. En conséquence, la banque refusera de prêter à l’acquéreur car elle ne pourra détenir qu’une hypothèque de 2nd rang sur le bien immobilier, insuffisant en cas de non remboursement du prêt par l’acquéreur.
En réalité, il existe de rares exceptions où une banque acceptera de financer à crédit l’acquisition d’un viager avec rente :
Pour la vente en nue-propriété en revanche, pas de rente à verser, donc l’usufruitier n’a pas besoin de prendre une hypothèque légale spéciale du vendeur. La banque peut alors utiliser le bien en garantie du prêt qu’elle accorde au nu-propriétaire.
Impossible de répondre de manière systématique car si le coût d’un investissement en nue-propriété est connu à l’avance, celui d’un viager n’est connu qu’à l’issue de l’opération et il peut énormément varier.
A titre d’illustration, voici le comparatif d’un investissement en viager avec rente ou en nue-propriété d’un appartement à Paris d’une valeur vénale de 1 000 000 €. Le vendeur a une espérance de vie de 15 ans et le prix de vente en viager ou en nue-propriété est de 600 000 €.
Cette simulation est à visée pédagogique donc elle ne reprend pas les calculs viager exacts et elle ne prend pas en compte non plus les charges et les taxes, ni les frais d’acquisition (honoraires d’agence, droits d’enregistrement, émoluments du notaire, etc.).
Mais toutes choses égales par ailleurs, elle démontre bien la grande volatilité du coût d’une vente en viager en fonction de la durée de l’opération alors que le coût d’un investissement en nue-propriété ne varie pas en fonction de la durée de l’opération.
La fiscalité d’un investissement en nue-propriété sera plus avantageuse s’il a été financé par un crédit bancaire car les intérêts d’emprunt sont déductibles de l’impôt sur le revenu. Par ailleurs, ces deux investissements sont particulièrement attractifs pour le calcul de la plus-value immobilière.
La plus-value immobilière se calcule comme la différence entre le prix de vente et le prix d’achat (ou de revient). Or dans un achat en viager ou en nue-propriété, le prix d’achat pris en compte pour le calcul de la plus-value immobilière est la valeur vénale du bien et non pas le prix de vente en viager, réellement payé par l’acquéreur. Dans l’exemple ci-dessus, l’appartement à Paris vaut 1 000 000 € pour un prix d’achat de 600 000 €. Si l’acquéreur revend le bien 1 000 000 €, il aura réalisé un gain de 400 000 € mais la plus-value prise en compte sera de 0 €.
L’investissement en viager et en nue-propriété permet de réaliser une plus-value mécanique totalement exonérée d’impôt.
Aller plus loin : En tant que vendeur, quel viager choisir ?