Les charges propriétaires ont bondi de 30% en 10 ans et cette augmentation va continuer à suivre un rythme soutenu.
Ces charges et ces taxes représentent donc une part du budget de plus en plus importante pour les propriétaires, surtout lors des travaux exceptionnels. D'où l'enjeu de les répartir équitablement entre l'acquéreur et le vendeur en viager.
Malheureusement la recherche de ce juste équilibre n'est pas chose aisée …
Qu'entend-on par charges propriétaires ? Que dit la loi ? Quelles sont les logiques et les grands modèles de répartition en viager occupé ? Qui paie quoi concrètement en cas de viager ? Que faire en cas de litiges ?
Les charges propriétaires sont tous les coûts qu’entraîne la propriété d’un bien : taxe foncière, taxe d'ordures ménagères, taxe d'habitation, charges d'entretien et charges de copropriété, travaux et dépenses exceptionnelles, assurances obligatoires.
La Taxe Foncière sur les Propriétés Bâties (TFPB) fait partie des impôts locaux à destination du département et de la collectivité locale.
La taxe foncière sur les propriétés bâties est utilisée pour le financement partiel du budget des municipalités, de la coopération intercommunale et des départements. Les fonds collectés servent au développement des équipements collectifs et des différents services prodigués aux particuliers. Son montant est déterminé à la fois par l'État, le département et les collectivités locales suivant la formule suivante :
Avec :
VLC = Valeur locative cadastrale = Loyer annuel théorique du bien défini par l'État.
Coeff reval. = Correction de la valeur locative cadastrale égale à l'inflation (Indice des Prix à la Consommation).
Tx dép. = taux d'imposition décidé et destiné au département.
Tx com. = taux d'imposition décidé et destiné à la ville et à la communauté de communes .
La taxe foncière est due pour l'année entière par le propriétaire ou l'usufruitier du bien au 1er janvier de l'année en cours et elle est payée chaque année.
La Taxe sur les déchets ménagers (aussi appelée “Taxe Poubelle") fait également partie des impôts locaux et on la retrouve sur l'avis de Taxe Foncière. Elle est déterminée et destinée aux collectivités locales qui gèrent la collecte des déchets :
De même que la Taxe Foncière, la Taxe d’Enlèvement des Ordures Ménagères est payée chaque année et elle est due pour l'année entière par le propriétaire ou l'usufruitier du bien au 1er janvier de l'année en cours. En revanche, à la différence de la Taxe Foncière, la TEOM peut être considérée comme une charge locative et le propriétaire a la liberté de la réclamer au locataire.
La Taxe d'habitation est un impôt local au profit des collectivités locales qui en déterminent le taux. Une réforme est en cours depuis 2018 pour progressivement supprimer cet impôt sur les résidences principales d'ici 2023, mais il restera toujours en vigueur et sera même alourdi pour les résidences secondaires :
Avec : Valeur locative nette = Valeur locative cadastrale - abattements éventuels pour la résidence principale - réductions pour personnes à faibles revenus + majoration éventuelle pour la résidence secondaire La taxe d'habitation est payée chaque année et elle est due pour l'année entière par l'occupant du bien au 1er janvier de l'année en cours, s'il n'en est pas exonéré.
Les charges d'entretien ou de fonctionnement sont toutes les dépenses courantes entraînées pour vivre dans le logement, à l'exception des travaux et des dépenses exceptionnelles.
Il s'agit de toutes les dépenses récurrentes ou les réparations de faible montant dues à la vétusté et à l'usage normal du bien et de ses équipements. Parmi ces charges on retrouve
Dans une copropriété, on distingue les charges individuelles, qui concernent le logement en particulier, et les charges de copropriété qui sont communes à tous les copropriétaires. Les charges individuelles ne regardent que l'occupant du bien et son propriétaire, et en cela, elles ne sont pas différentes de celles d'une maison individuelle que nous avons vues juste avant.
Les charges de copropriété sont gérées par le syndic et soumises à un cadre spécifique. Elles sont réparties en 2 grandes catégories :
Ce sont les dépenses liées à l'administration, à l'entretien et à la conservation de l'immeuble (syndic, nettoyage, taxe des ordures ménagères, ravalement, toiture, …) Chaque lot de copropriété donne droit à une quote-part des parties communes, aussi appelé tantièmes, exprimée en pourcentage de l'ensemble des parties communes. Les charges de copropriété générales sont payées à hauteur des tantièmes détenus par le copropriétaire.
Ce sont les dépenses liées aux services collectifs et aux équipements communs (gardiennage, sécurité, chaudière, ascenseur, …). Les charges de copropriété spéciales sont payées en fonction de l'utilité objective que présentent les services et équipements pour chaque lot. Par exemple, si le copropriétaire du RDC n'a pas l'utilité de l'ascenseur, alors il ne paiera pas les frais liés à l'ascenseur.
Chaque année, les copropriétaires votent un budget prévisionnel pour faire face aux charges de copropriété, générales et spéciales. Les copropriétaires versent ensuite des provisions pour charges en lien avec ce budget, généralement en 4 fois dans l'année, à chaque trimestre.
À la fin de l'année, le syndic émet le décompte des charges de copropriété, un document qui retrace l'ensemble des dépenses, la répartition de ces charges et les éventuels sommes à verser ou trop-perçus par rapport aux provisions avancées.
Les travaux et les dépenses exceptionnelles sont toutes les dépenses qui ne sont pas courantes ou qui dépassent les menues réparations dues au simple usage du bien et de ses équipements. En cela, ils sont très variés : ravalement de façade, remaniement de toiture, terrassement, installation de piscine, changement de chaudière, installation d'un ascenseur, travaux d'isolation et de rénovation énergétique, installation de double-vitrage, …
Pour une maison individuelle et pour les parties privatives d'un bien en copropriété, les travaux ne concernent que le propriétaire et/ou l'occupant du bien qui sont donc libres de faire ce qu'ils veulent.
Les règles de copropriété sont définies par la loi de 1965 fixant le statut de la copropriété et dans le règlement de copropriété avec des restrictions pour les travaux des parties privatives :
Pour les travaux dans les parties communes ou qui doivent être approuvés par la copropriété, la procédure à suivre est très encadrée :
Depuis 15 ans, les tarifs de l'assurance habitation ont explosé de 40%.
Il s'agit donc d'un poste de dépense non négligeable pour les propriétaires, sans parler des soucis et des tâches administratives engendrées par un sinistre et sa résolution avec son assureur.
Lorsque plusieurs personnes partagent des droits sur un même logement, il est tout naturel qu'ils partagent les frais et les charges à hauteur du droit dont il dispose sur ce logement.
En dehors du viager, deux relations sont couramment rencontrées et encadrées par la loi :
La loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 encadre la répartition des charges entre le locataire et son bailleur. Pour simplifier, le locataire ne paye que ce qu'il consomme et ce qu'il use directement :
Les articles 605 et 606 du Code Civil encadrent la répartition des charges entre l'usufruitier et le nu-propriétaire. Pour simplifier, le nu-propriétaire ne paye rien sauf les gros travaux qui touchent à la structure du bâtiment (murs porteurs, toiture, charpente, murs d'enceinte). L'usufruitier, a contrario, paye l'immense majorité des charges propriétaires. Nous avons résumé les différences entre ces deux logiques de répartition dans le tableau ci-dessous :
Même si le viager est le plus vieux système de retraite au monde, le cadre légal laisse malheureusement à désirer sur certains aspects et particulièrement sur la répartition des charges et de la taxe foncière en cas de DUH : aucune répartition légale n'est prévue par la loi !
C'est donc au vendeur et à l'acquéreur de se mettre d'accord, au prix parfois de discussions interminables sur la recherche de la “juste répartition". Pour autant, tout n'est pas à réinventer et les discussions sont tout de même limitées à la taxe foncière et aux travaux et dépenses exceptionnelles hors gros travaux (au sens de l'article 606 du Code Civil). Voici la situation présentée graphiquement :
En résumé, la répartition des charges en viager est à définir entre les deux bornes définies par la loi, les relations :
Pour préparer le terrain et simplifier les échanges, nous vous proposons 4 répartitions possibles pour un viager avec conservation du DUH (Droit d’Usage et d’Habitation) :
Dans ce cas, on appliquera la répartition exacte des charges et de la taxe foncière entre un locataire et un propriétaire bailleur définie par la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.
Avantages :
Limites :
Dans ce cas, on appliquera la répartition exacte des charges et de la taxe foncière entre un usufruitier et un nu-propriétaire définie par les articles 605 et 606 du Code Civil.
Avantages :
Limites :
Dans ce cas, le vendeur et l'acquéreur se mettent d'accord pour partager les charges, les travaux et la taxe foncière selon une répartition fixe qui ne bougera pas dans le temps :
Avantages :
Limites :
Une autre solution intéressante consiste à faire porter l'intégralité des charges et de la taxe foncière sur le vendeur en viager en contrepartie d'une majoration de la rente. Concrètement la rente initiale est majorée d'un montant calculé en fonction des charges des années passées et des charges prévues dans le futur. Toute la discussion portera évidemment sur le montant de cette majoration. Ensuite, la rente majorée sera indexée chaque année jusqu'à l'extinction du viager.
Avantages :
Limites :
Voici le récapitulatif de ces 4 options :
Bien évidemment, il existe d'autres répartitions possibles, ce qui est d’ailleurs souvent le cas d'acquéreurs institutionnels (caisses de retraite, mutuelles, assurances, fonds d'investissement) qui proposent une répartition sur-mesure, à bien regarder dans le détail lors de l'étude de leur offre.
Une fois la méthode de répartition définie, il convient de l’inscrire précisément dans l'acte authentique, et idéalement dès le compromis de vente en viager chez le notaire. Cela permettra de pouvoir s'y référer à tout moment, non seulement pour l'acquéreur et le vendeur mais aussi par toute autre personne extérieure au contrat qui pourrait avoir un rôle à jouer en cours de vie du contrat viager ou à son extinction : héritiers ou aidants du vendeur, héritiers ou proches de l'acquéreur, gestionnaire viager, conseil juridique, …
Les articles 6-2 et 6-3 du décret n° 2004-479 du 27 mai 2004 précisent les modalités suivantes pour le paiement des charges en copropriété :
Le paiement de la provision exigible du budget prévisionnel, en application du troisième alinéa de l'article 14-1 de la loi du 10 juillet 1965, incombe au vendeur.
Le paiement des provisions des dépenses non comprises dans le budget prévisionnel incombe à celui, vendeur ou acquéreur, qui est copropriétaire au moment de l'exigibilité. Le trop ou moins perçu sur provisions, révélé par l'approbation des comptes, est porté au crédit ou au débit du compte de celui qui est copropriétaire lors de l'approbation des comptes.
En cas de viager avec usufruit, le règlement de copropriété peut préciser qui de l'usufruitier ou du nu-propriétaire sera présent et habilité à voter pendant l'Assemblée Générale des copropriétaires. A défaut de précision du règlement de copropriété, l'usufruitier et le nu-propriétaire peuvent s'entendre pour désigner le mandataire commun de leur choix. En cas de désaccord, l'article 23 de la loi du 10 juillet 1965, précise que l'usufruitier et le nu-propriétaire seront représentés par le nu-propriétaire.
En revanche, en cas de viager avec un DUH, l'acquéreur est plein propriétaire donc seul l'acquéreur peut être considéré comme copropriétaire et participer à l'Assemblée Générale des copropriétaires.
Pour se protéger du défaut de paiement de ces charges, que ce soit le paiement du vendeur ou le remboursement de l'acquéreur, il convient de préciser le cadre juridique :
En conclusion, la répartition des charges et de la taxe foncière en viager est un sujet délicat qui demande l'intervention de l'expert viager et du notaire pour la méthode de répartition et pour l'écriture des modalités d'application dans le contrat de vente en viager.
À lire aussi : Tout savoir sur le viager occupé avec rente pour le vendeur.